Histoire :
Je suis fille unique, j'ai toujours eu ce que je souhaitais. Tout, sauf ce qui m'était nécessaire, la présence et l'attention de mes parents, des commerçants pour qui aimer se résumait à offrir des biens matériels. De mon enfance, je n'ai que peu de souvenirs. Ainsi, je me suis construite en réponse à ce désintérêt. Brillante, assidue et méticuleuse, j'ai entrepris des études en Archéologie. Je suis aujourd'hui en doctorat d'Archéologie romaine. Je vis une histoire avec un de mes co-disciples, nous travaillons tous deux sur l'économie agraire en Asie Mineure et y faisons régulièrement des séjours pour documenter nos travaux.
Un peu bohème, je n'ai pas vraiment de port d'attache, que ce soit un lieu ou un homme. Je suis rationnelle que voulez-vous ! Et si je comprends désir et plaisir, je me ris des sentiments.
Tout se passait si bien cependant... Jusqu'à ce jour.
Tic, Tac, Tic...
En retard...
Tac..
Toujours en retard ! Dieu, qu'il m'agaçait...
Je n'avais que quelques rapides relevés à faire, autant commencer. C'est ainsi que je me décidais à avancer vers les vestiges d'une villae romaine qui avait été bâtie en périphérie d'un ancien comptoir marchand sur la côte anatolienne voici plus de deux millénaires.
L'air était humide et lourd, collant désagréablement mes vêtements à ma peau moite. Je sortis mon carnet, taillais mon crayon à l'aide d'un vieux couteau qui ne me quittait pas. Là, en tailleur, je commençais l'esquisse de mon relevé pierre à pierre d'un pan écroulé de mur.
Silence.
Ici, tout n'était que quiétude chahutée doucement par le bruissement de la mine sur la feuille. La ville la plus proche se trouvait à plus d'une demi-heure de voiture, par piste. Enfin... Si tant est que l'on puisse qualifier de ville ce pauvre hameau. Un demi sourire joua alors sur mes lèvres. Tant que ce trou paumé possédait un bar... Après tout, qu'importe le flacon n'est-ce pas ?
C'est au moment où je m'approchais pour mesurer les fondations visibles que je l'entendis. Le ronronnement cahotant d'une voiture, étouffé puis de plus en plus distinct.
*Enfin ! pensais-je, il se décide à m'honorer de sa présence, raté pour le faire poireauter à mon tour sous le soleil.*
Je tournais résolument le dos au bruit, épaules raidies, préparant quelques petites répliques acerbes.
Le grincement d'une portière que l'on ouvre, le claquement sec de sa fermeture... et...un deuxième claquement ?!
Piquée, je me retournais. Deux inconnus. Une jeep derrière mon véhicule.
Mmmmhh...
La question est : Quelles sont les chances de tomber sur des touristes égarés au fin fond de nulle part dans un site interdit au public ?
Peu, très peu.
J'observais les deux hommes : nul sourire, nulle expression, neutres.
Bonjour ! Lançais-je avec gaieté tandis que j'ouvrais discrètement le couteau dans ma poche.
*Réfléchis, réfléchis vite ma chère.*
Je vois que vous avez dû vous perdre !Mon sourire s'amplifia, ingénu.
*Jouons.*
L'un des hommes eût alors ce rictus si caractéristique qui signifie clairement que la partie va être simple.
*Gagné*
Je dois avoir une carte dans mon sac, ne bougez pas, je vous l'amène.Je me tournais et fit mine de chercher dans mon sac. Le soleil commençait alors à allonger ses rayons, de sorte que l'ombre de mon agresseur devrait m'être visible peu avant qu'il ne m'ait atteint.
*Tu n'auras l'effet de surprise qu'une fois.*
Tout mon être s'est alors tendu, accroché à l'instant.
*Une chance.*
L'ombre de sa tête.
Mince ! J'étais certaine de l'avoir mise là.Des épaules.
*Une seule.*
Des mains qui se tendent.
D'un geste j'enfonçais ma lame dans la jambe de l'agresseur, la ressortais pour la replanter immédiatement à l'aine. Je m'écartais en hâte et fit face au deuxième. Ma retraite était compromise. J'entendis distinctement le raclement des chaussures du blessé qui tentait de se relever.
Fuir ou se battre. Panache ou lâcheté. Les beaux gestes ont tous un prix élevé.
Dans un coin brumeux de mon esprit je me suis dit que l'important était de combattre, gagner, perdre tout cela n'était que secondaire. Une grimace sarcastique a presque simultanément tordu mes lèvres, j'avais déjà dans l'idée que je regretterai cette pensée idiote.
*Ne pas se soumettre.*
Ils m'ont bien évidement désarmée, battue -c'était là le prix de ma résistance-.
Je suis maintenant enfermée dans le coffre de leur voiture.
J'étouffe.
Le chemin cahotant ravive la douleur de mes côtes.
J'étouffe, j'ai mal.
J'enrage.
Mais Dieu ! Que j'ai peur également.
Tic, Tac, Tic,
Tellement...
Tac